Le travail, c'est la santé .... spirituelle !
- Antenne Sociale de Lyon
- 1 oct. 2024
- 3 min de lecture
Lors de son Assemblée Générale Ordinaire, l'Antenne Sociale de Lyon , comme elle en a l'habitude, a donné la parole a un témoin de notre monde, et comme la prochaine session des SSF s'intéressera au sens du travail, nous avons écouté ce que pouvaient nous en dire Jean et Michel qui ont vécu une bonne partie de leur vie en même temps comme prêtres de plein exercice, en paroisse ou aumônerie, et comme professionnels salariés, en MJC ou à l'hôpital.
Ces deux facettes de leur vie ne se tournaient pas le dos, mais généralement leurs interlocuteurs n'en connaissaient qu'une à la fois. A l'évidence, cela n'a pas été vécu de façon schizophrène, mais plutôt complémentaire. Dans l'environnement de travail, leur engagement religieux ne semble pas avoir posé de vrai problème, même s'il est arrivé d'entendre « Si je l'avais su au départ, nous n'aurions sans doute pas travaillé ensemble ». En Église, le cheminement a parfois été lent, mais positif : « La surprise des paroissiens était grande de nous savoir tous au travail. Mais au bout de quelques années, ils ont pu dire :“C’est parce que vous êtes au travail que vous êtes crédibles !” ».
Jean modère d'emblée la tentation de ne prôner qu'un seul modèle : Travailler donne certes une ouverture au monde et à l'humanité. Mais il existe d'autres formes de vie pour trouver cette ouverture : certains prêtres ont des activités spécifiques, non rémunérées, ils font des études, des conférences, qui leur donnent cette ouverture à leur façon.
L'impact de cette vie partiellement consacrée au travail sur la vie religieuse a été fort, indéniablement, et le pas de côté que cela entraînait a été vécu très positivement : « Je réalisais la différence de préoccupations et de langages que nous avions en paroisse. Je me sentais étranger aux paroles prononcées dans le cadre de la communauté chrétienne (homélie, commentaire d’écritures....) par rapport aux paroles de la vie du quotidien de ceux que je côtoyais. Avec un peu de recul, je suis persuadé aujourd’hui qu’il est bon pour un prêtre de ne pas être toujours à “l’ombre du clocher”. Je suis sûr que le fait de travailler professionnellement donne à chacun une meilleure connaissance du monde dans lequel nous vivons et une ouverture sur le monde. Ma foi avait plus de sens et devenait plus engagée. », et d’ajouter que, oui, sans aucun doute, ce serait très bon pour nombre de nos jeunes prêtres.
La fonction de prêtre s'est trouvé plutôt enrichie par le parcours parallèle d'une vie professionnelle riche de rencontres de tous ordres. Mais c'est leur personne même, dans son unité et sa richesse, qui s'est trouvée développée, révélée par la multiplicité des expériences. Pas de trace d'aliénation dans ces témoignages, mais au contraire un bonheur tranquille d'être allé au devant des gens, d'être entré en relation vraie avec des collègues ou des partenaires dans et à travers le travail. « Je crois que ces personnes m’habitent et font ce que je suis ! »
Michel met en avant un autre cadeau que lui a fait le travail : la liberté. Certes, il n'a jamais gagné des mille et des cents, mais cela lui a donné suffisamment d'indépendance, y compris maintenant à la retraite, pour vivre librement sa conviction religieuse et ses opinions. Ce point peut concerner la plupart d'entre nous et mériterait un développement à lui seul.
Lorsque Michel évoque sa vie au travail, il parle tout de suite de relation à l'autre. L'univers professionnel est tissé de rencontres, plus ou moins longues et approfondies, au cours desquelles peut naître et grandir la confiance réciproque, avec des crises et des avancées. Cela me ramène à ma lecture en cours des entretiens avec Eric de Nattes, l’Évangile s'écrit au jour le jour (Parole et Silence, 2023). « La foi comme relation ouvre un avenir. Relier sa vie à un autre, entrer en alliance, c'est engager une histoire, un destin commun dont nous ne maîtrisons pas le devenir. La foi dessine un horizon dans lequel nous pouvons nous projeter et qui ouvre des possibles. On peut l'appeler espérance.... La foi est le ferment qui ouvre des possibles. ».
Ce télescopage de réflexions me paraît heureux, car, en effet, si nous considérons nos différents rôles dans la société, de parents, de professionnels, de militants, de citoyens, tous ces rôles ont en commun de nous placer en situation de relation, choisie ou non, mais toujours renouvelée, et il se peut qu'on soit là au cœur de ce qui fait l'homme, de ce qui le fait entrer en processus d'humanisation, au cœur même du réacteur capable de faire émerger la transcendance de notre pâte humaine. Ainsi, de façon inattendue à l'heure du télétravail, nous pourrions approfondir les conditions dans lesquelles le travail deviendrait, toujours plus, un lieu pour se frotter à l'autre, pour s'en imprégner et s'en transfigurer, non pas pour perdre son identité, mais au contraire l'enrichir.
François PILLARD, 25 septembre 2024


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